
Rencontre 20
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Je suis Marie PETIT, aindinoise comme mes parents, Pierre né à St Nizier le désert en 1835 et Jeanne CHASSIBOUD née à Neuville les dames en 1833. Je viens au monde à St Nizier le désert le 3 mars 1873. J’ai les cheveux très noirs et de grands yeux marron.
Le pays est en ébullition. Napoléon III vient de mourir. Thiers va démissionner et Mac Mahon sera élu Président.
Mes parents sont mariés depuis 3 ans. Maman avait été mariée une première fois et se trouvait veuve Périer avec deux enfants Françoise et Gabriel, qui a ma naissance, ont 12 et 9 ans.
De son deuxième mariage, avec Pierre, maman a eu une fille Marie Claudine qui est décédée à six mois. Puis je viens au monde et alors que j’ai quinze mois maman accouche d’ un enfant sans vie et décède quelques jours après.
Pierre, mon papa se retrouve veuf à 39 ans. Il n’a plus de parents, ni de parents du côté de sa femme. Tous sont morts. Il a en charge Françoise, Gabriel et moi.
Il se remarie sept mois plus tard à St André le Bouchoux avec Françoise Bailly , âgée de 36 ans, célibataire. Un an plus tard, naissent deux jumeaux : une fille sans vie (sortie du sein de sa mère) et un garçon Joseph qui décèdera quelques heures plus tard. La jeune maman ne survivra pas. Elle meurt le même jour.
A 20 ans, je suis obligée de me marier avec un garçon présenté par ma tutrice qui a tout dépensé l’héritage de maman, Il s’agit de Claude Petit , nous avons le même patronyme mais aucun lien de parenté. Il a les cheveux roux et de grands yeux bleu-vert. Il vit avec sa mère à Neuville les dames , va avoir 38 ans et est toujours célibataire. Une fois mariés nous nous installons avec la maman de Claude, dans un domaine de 5 ha, la maison familiale.
J’accouche d’une première fille Philiberte en 1894.
Cette même année le Président Sadi Carnot est assassiné à Lyon.
Trois ans plus tard ma deuxième fille Laurence, naîtra. La même année, mon père qui s’était installé à Lyon comme maçon, vient mourir chez nous. Ce fut le tour de la maman de Claude Anne-Catherine 15 mois plus tard.
Les deux sœurs de Claude Jeanne et Annette mariées avec les frères Plombeaux, à qui on payait une location de 500 F par an avec divers revenus en nature, estimés à 6 F par an, nous font vendre le domaine en indivis pour la somme de 10.800 F à la famille Chapeland.
Nous devenons propriétaire d’une petite ferme à Mézériat . Un troisième enfant Jean Marie naît en 1900, deux ans plus tard une fille Marie Jeanne et Joseph le 5ème en 1906, Joseph a 5 mois lorsque l’on ramène Marie-jeanne morte accidentellement.
On peut lire sur le journal « le courrier de l’Ain » le 19 octobre 1906 :
Accident mortel – Lundi, vers 5 h du soir, le nommé Dubois, d’Attignat, conduisait à la gare de Mézériat un chariot charge de sacs de blé. Il passait dans le chemin qui va du Pont de la Veyle à la gare, tenant son cheval par la bride, lorsqu’une fillette âgée de 4 ans 1/2, Marie PETIT, tenta probablement de grimper sur la voiture du côté opposé au conducteur afin que celui-ci ne pût l’apercevoir. L’enfant tomba mortellement blessée, sans que personne eut vu exactement ce qui venait de se passer ; elle se releva seule, mais retomba aussitôt et fut emportée chez ses parents. Elle expira quelques minutes après, malgré les soins immédiats du docteur Goumy. Le corps de la fillette ne portait aucune trace de contusions ; on se demande ce qui a provoqué la mort, car il n’y a pas lieu de supposer qu’une des roues du chariot lui ait passé sur le corps. Dubois qui avait continué sa route , fut bien douloureusement frappé quand on lui annonça la triste nouvelle. Ajoutons qu’il s’empressa d’aller voir la victime et de témoigner à sa famille sa pénible surprise et ses regrets.
Le cauchemar commence. Le chien meurt empoisonné et le lendemain la ferme brûle. Je revois les hautes flammes dans le ciel, les enfants sur une couverture dans le champ en face, et mon mari qui sort la vache de l’étable. Pas d’assurance… il ne nous reste pas grand-chose. Nous nous installons dans une maison de village dans le bourg de Mézériat. Puis nous déménageons à Saint Paul de Varax ou naît Pierre en 1909 le 6ème enfant. En 1911 on marie Philiberte qui n’a que 17 ans avec Louis Alfred Joly de la même commune. Elle est enceinte de trois mois ! Elle met au monde un petit Emile, mais 7 jours plus tard elle décède. Quelques mois plus tard, en rendant visite à mon petit fils, je le trouve attaché au pied de la table, pas changé, un bras cassé. Après bien des tractations j’obtiens de mon gendre la garde de l’enfant en échange d’un certain nombre de fagots. C’est la misère, pour survivre j’allaite des nourrissons de la ville et je vais laver le linge au lavoir pour les gens. Il me faut quelquefois casser la glace.
En 1915, c’est la guerre. J’accouche de mon 7ème enfant Marie-Philiberte. Certains de nos enfants sont placés dans des fermes , mais 8 mois plus tard Claude, mon mari, meurt terrassé par une crise cardiaque. Il a 61 ans, j’ai 43 ans, veuve avec 6 enfants en vie mais la même année, Marie-Philiberte, à 14 mois, malade, meurt. Je me rends dans un hôpital de guerre près de chez moi pour soigner les soldats blessés.
En 1919, j’épouse en secondes noces Pierre Camille Mayer, veuf avec 5 enfants et nous allons vivre dans sa propriété à la Tranclière. Malheureusement au bout de 10 ans de mariage, alors qu’il avait été acheter du bois au village à coté, au retour il prend un malaise. IL s’est traîné dans la neige jusqu’à sa propriété et a été retrouvé mort le lendemain, Ce jour-là le thermomètre affiche -24° à Bourg en Bresse.
On peut lire quelques jours après sur le journal Le courrier de l’Ain : Un homme meurt de froid sur la route « M. MAILLET (MAYER) charron et cultivateur, demeurant à la Tranclière, a été trouvé mort dans la neige à 200mètres environ de son habitation. M,MAILLET qui s’était rendu à St Martin-du- Mont pour y faire des achats de bois, avait prévenu sa famille que probablement il ne rentrerait pas le même jour. Il est vraisemblable qu’ayant terminé ses achats assez tôt pour rentrer, il se mit en route pour gagner son domicile. Le médecin qui a constaté le décès, a déclaré que la mort remontait déjà au moins à 20h. On croit donc que M. MAILLET pris de malaise et qui a essayé de se traîner sur les genoux sur 50 m environ, est mort d’une congestion provoquée par le froid ».
Seule, désespérée, la vie est très dure. Ma fille Laurence me trouve un logement de fortune près de chez elle. Les années passent, la santé se détériore, j’ai très mal aux jambes à en hurler. On m’hospitalise à la Madelaine. Le 30 Novembre 1940 ma fille Laurence me sort pour m’emmener mourir chez elle .
Combien de fois ais je dit : « J’ai tellement pleuré que j’aurai pu faire tourner un moulin »
Merci mes petits-enfants d’avoir renouvelé ma tombe à Montagnat et d’avoir déposé des fleurs.
Nicole
Ce soir, je suis à la maison, au calme, seul assis à la table qui nous sert de bureau, dans la bibliothèque. En hiver, lorsque je ne peux pas m’isoler au jardin, installé à une petite table sur la terrasse animée par le champ des oiseaux, c’est dans cette pièce que je m’adonne à mon nouveau plaisir, l’écriture, depuis que j’ai découvert les joies de l’écriture, grâce à Pierre, un jeune homme de quatre-vingt printemps amoureux des lettres et des mots. Pierre a su créer et motiver autour de l’atelier d’écriture qu’il anime, une petite troupe de quinze écrivains apprentis ou plus confirmés, qui se retrouvent avec plaisir le mardi après-midi. Aujourd’hui, vingt rencontres plus tard, je suis donc là, à chercher l’inspiration
Nos petits-enfants, Elora cinq ans et Loahn quatre ans sont à la maison pour la nuit. Leurs parents sont partis en vadrouille pour la Saint-Valentin et nous sommes heureux d’assurer la garde des deux chérubins ce week-end. Les enfants ont monopolisé l’attention de leur grand-mère dans la salle de séjour. Elle leur commente un C.D de dessins animés sur le « Carnaval des Animaux ». Je suis donc réduit à la solitude et au silence pour ne pas perturber cette soirée initiatique et cette fantaisie faunistique. Les enfants silencieux, sont captivés par la marche royale du Lion qui ouvre le carnaval, bientôt rejoint par le caquetage des poules et des coqs.
Mon cahier est ouvert devant moi. Face à la fiche « rencontre 20 » de notre atelier, je suis perplexe. Un peu perdu devant le sujet du jour ou plutôt son absence. Par malice probablement, las peut-être de nous avoir fourni pour les dix-neuf séances précédentes des thèmes variés de composition, toujours est-il, qu’aujourd’hui, pas de thème auquel se raccrocher pour démarrer. Pierre nous laisse à notre guise choisir notre sujet. Dans un premier temps ma réaction fût « Chic on va pouvoir faire ce qu’on veut. Mes idées vont pouvoir tourbillonner dans ma tête et surgir sur le papier de la pointe de mon stylo, sans contrainte » Mais, au bout d’une heure de tentatives infructueuses, mon cahier ne contient que des amorces de phrases sans queue ni tête, reprenant sans fil conducteur des idées éparses aussitôt abandonnées. Qu’il est difficile d’être libre !!! Sans commande précise à laquelle se conformer !!!
Je suis à deux doigts d’abandonner et de remiser cahier et stylo dans le tiroir du bureau, quand j’entends les enfants, une fois le disque terminé, demander avec insistance à leur grand-mère, une histoire encore une, une dernière histoire s’il te plaît, Mamie, que tu nous liras au lit dans la chambre, et manifester leur incompréhension devant le refus de leur grand-mère.
Mamie : pourquoi les enfants doivent toujours aller se coucher tôt ?
Mamie : pourquoi les grands ils se couchent quand ils veulent, eux? …
Et ainsi de suite Pourquoi ?, Pourquoi ? Mamie dis… ...Pourquoi ?
Ce fût alors pour moi le déclic. Je le tenais mon thème du jour pour la rencontre n° 20. « Variations autour du mot Pourquoi »
Dis Papy :
- Pourquoi la terre est-elle ronde ?
- Pourquoi les vaches ont-elles des taches blanches et noires ?
- Pourquoi il y a de la neige en montagne ? du sable dans le désert ? du sel dans la mer ?
- Pourquoi des fois les gens se battent ? font la guerre ?
- Pourquoi les Papys et les Papas ont des poils sur la poitrine et pas les petits garçons ?
Devant cette avalanche de questions, je m’interroge à mon tour. Pourquoi les enfants posent ils toujours des questions auxquelles les adultes n’ont pas toujours la réponse ? Peut-être les enfants ont-ils encore le temps et le goût de s’étonner, de s’émerveiller encore. Alors que les adultes n’ont plus ou ne prennent plus ce temps, bardés d’acquis ou de certitudes forgées au cours d’une vie d’expérience. Je m’interroge ainsi sur la place du doute, de la nuance dans notre société. « Peut-être » est un mot qui semble banni du vocabulaire de nos sociétés binaires. La société du oui/non, du on/off, des QCM, de l’échange de messages en 160 caractères, ponctués d’émoji simplistes et réducteurs qui rient ou pleurent.
Et quand, en fin de compte, après avoir tenté en vain d’apporter une réponse intelligible pour un enfant de quatre ans, pas trop simpliste, mais surtout qui ne génère pas une cascade de questions incidentes, vous capitulez, quelle frustration de vous entendre lui répondre « Euh » ! Parce que c’est comme ça ! Tu ne peux pas comprendre à ton âge ! » ou bien « Tu demanderas à ta maîtresse. Elle doit savoir, elle » Alors, tu te sens coupable. Les enfants placent en nous une confiance totale que nous décevons !
Alors, j’ai préparé une réponse d’attente « on va chercher ensemble dans le dictionnaire ou dans l’encyclopédie »
Et là, chers amis adultes, ne soyons pas susceptibles devant l’enfant qui nous répond du tac au tac.
« Tu sais, que quand je saurai lire je ne t’ennuierai plus. J’irai chercher tout seul les réponses chez Google sans avoir besoin de déranger les adultes »
Entre nous. Qu’il est difficile parfois de nos jours de ne pas se sentir un peu dépassé !!!
Didier